Chers Amis Rotariens ;
Merci d’avoir répondu aussi nombreux à mon invitation. Votre présence est une marque d’amitié et je l’apprécie à sa juste valeur.
Lors de la passation de pouvoir chez Pascaline je vous avais annoncé que je vous inviterai à une rencontre à l’occasion de mon passage dans ma quatre vingt dixième année. Des événements imprévus ont empêché la réalisation de ce projet. Je pense qu’il est encore temps de le réaliser.
Plutôt que de vous parler de mon parcours personnel un autre événement s’impose. Ce sont mes quasi-cinquante années de présence au Rotary Club de Châlons. Aussi vous parlerai-je de mon parcours rotarien et j’évoquerai les moments et événements qui m’ont le plus marqués.
Je suis arrivé dans notre ville en 1970 pour exercer la fonction de directeur de l’usine, aujourd’hui Ecolab. Mon prédécesseur, très rapidement, me dit : « si vous voulez vous insérer à Châlons vous devez être membre du Rotary ». Il m’invita au déjeuner statutaire pour me présenter et me faire connaitre les membres du club. Peu de temps après on me sollicita pour entrer au club. Très occupé par mes fonctions, j’ai demandé un délai de réflexion. En effet les présences aux réunions étaient obligatoires et sévèrement contrôlées. En cas de déplacement la présence dans un autre club était exigée. C’est finalement en 1974 que je suis entré au club. J’y ai trouvé d’emblée l’amitié et la convivialité. Un règlement non écrit mais souvent observé prévoyait que le nouvel entrant était dispensé de toute fonction pendant les deux premières années pour ensuite exercer des fonctions dont obligatoirement celle de secrétaire. Il devenait ensuite 2°vice-président puis 1°vice-président puis président. C’est ainsi que je devins Président en 1981.
A cette époque le Club n’effectuait quasiment pas d’actions locales, comme nous le faisons aujourd’hui. Il s’était fixé trois objectifs :
- les actions en faveur de la jeunesse via la Fondation Rotary
- les relations internationales via les Clubs Contact
- le développement de l’amitié entre ses membres par l’organisation de soirées, rencontres et conférences.
Les actions en faveur de la jeunesse se concrétisaient principalement par d’importants versements à la Fondation Rotary complétés par un don généreux d’un de nos amis le Past Gouverneur Pinault. A un certain moment nous étions le deuxième contributeur français per capita après Monaco. Ceci nous permettait d’envoyer des étudiants méritants dans des universités étrangères souvent américaines, pour un séjour d’une année. De plus, certains d’entre nous accueillaient dans leur famille des boursiers étrangers venus passer une année au Lycée Bayen pour parfaire leur français.
Pendant quelques années, en collaboration avec le Rotary d’Epernay, nous recevions pendant trois jours l’ensemble des boursiers rotary étrangers faisant leurs études en France. Ils étaient environ une vingtaine. Hébergés dans nos familles, leur séjour comportait une visite de la Champagne et se terminait par une grande soirée dansante. Je remets au Président le fanion qu’un américain m’avait offert après avoir logé chez nous. Je ne sais pas pourquoi cette opération s’est arrêtée. Nous avons aussi reçu, plusieurs fois, des groupes d’études composés principalement de jeunes américains déjà dans la vie active.
Nos actions en faveur des relations internationales étaient jugées prioritaires. Les souvenirs de la guerre n’étaient pas encore effacés, les anciens combattants encore nombreux. Il est tout à l’honneur de notre Président fondateur André Levacher, prisonnier de guerre, plusieurs fois évadé et repris, d’avoir mis en route notre jumelage avec le Club de Limbourg.
Deux autres jumelages existaient aussi avec les clubs de Luxembourg et de Harwich Dowercourt situé dans le sud est de l’Angleterre. Le jumelage avec le club de Luxembourg fonctionna bien pendant de longues années mais les rencontres sont devenues plus espacées. La raison est probablement à chercher dans l’évolution différente des deux partenaires. (Anecdote : visite en 1983)
Du jumelage avec Harwich je me souviens de la présence des anglais à l’une ou l’autre de nos soirées ainsi que d’une visite faite chez eux. Les relations ont cessé, à leur demande, me semble-t-il. De toute façon ils n’avaient pas le feu sacré, leur nombre de participants aux rencontres soit chez eux soit chez nous étant toujours faible.
Le jumelage avec Limbourg, par contre, est un vrai succès. Il date de 1958 et se poursuit encore aujourd’hui. Il avait comme objectif principal de maitriser le passé douloureux des deux Nations et de supprimer les préjugés existants. Pendant de nombreuses années j’ai eu en charge les relations avec Limbourg. Aujourd’hui encore des visites réciproques ont lieu, à quelques rares exceptions près, tous les ans.
Les rencontres qui m’ont le plus marqué sont :
- en 1978 une soirée au Château de Braux-Sainte-Cohière avec la présence des trois clubs contact, concert, dîner et bal.
- en 1982 sous ma présidence, le 25ème anniversaire de la création du club de Limbourg avec force discours, concerts, une croisière sur le Rhin et la remise au club de Limbourg d’une gravure de Barbat.
- en 1986 l’année de la catastrophe de Tchernobyl où j’ai pu organiser une visite de la centrale nucléaire en construction de Nogent sur Seine.
- en 1988 le voyage à Dresde à l’époque encore en RDA.
- en 2002 le 50ème anniversaire du club de Châlons Yves Ragetly étant président, avec un concert à la chapelle de Saint Memmie et la visite du château de Montmort.
- De plus à de nombreuses reprises des Limbourgeois assistaient à notre soirée des rois
Le troisième objectif l’amitié entre nos membres, est le résultat de nos dîners conférence mais avant tout des actions qu’aujourd’hui nous menons en commun. Cette nouvelle orientation, toute à l’honneur de notre club, s’incère parfaitement dans les objectifs du Rotary : Club Service. Je citerai au hasard : les vendanges, espoir en tête, saumon de Noël, octobre rose et actuellement les rosiers. Ces actions en commun, qu’elles soient festives ou à destination humanitaire sont le ciment de l’amitié qui nous unie. De nos soirées festives il me reste en mémoire : une conférence de Paul Emile Victor, l’explorateur de l’Antarctique et une autre de l’aviateur Bellonte qui avec Costes, en 1930 pour la première fois, ont relié Paris à New-York. Donc en sens inverse de Lindbergh. Inoubliables sont aussi les soirées des rois avec les représentations du Petit Théâtre Joseph Perrier. Il me reste en mémoire Florence en cygne noir et Daniel en cygne blanc ainsi que la représentation de la flute enchantée par les enfants des rotariens.
Tout semblait donc aller au mieux : mais il faut que j’évoque deux crises.
La première : l’entrée des femmes au club. Les statuts du Rotary international stipulaient qu’il était exclusivement composé d’hommes. Tout au début de son existence, quand aux Etats-Unis la ségrégation était encore en vigueur, il précisait : Male et blanc. Le terme blanc a rapidement disparu avec la création de clubs en dehors des Etats-Unis. Par contre le terme male avait la vie dure. Il a fallu une décision de justice dans l’un des Etats des Etats Unis enjoignant au Rotary d’accepter des femmes en son sein. Les instructions reçues du Président international étaient les suivantes : cette décision ne concerne que les clubs américains, les autres clubs restant libres de l’appliquer ou non. Chaque club, en dehors des Etats unis pouvait donc décider de l’admission ou non de femmes. Au club de Châlons les discussions furent vives. Certains membres menaçaient de démissionner au cas où serait pris une décision favorable à l’entrée des femmes au Rotary. Je me souviens de discussions houleuses lors d’un déjeuner où en fin de compte, la présence de femmes au club fut décidée. Sans aucun doute cette décision est une des meilleures prises depuis mon entrée au club, à voir l’implication particulièrement efficace de nos amies dans la marche du club. Il ne faut pas croire que les rotariens châlonnais étaient misogynes. Les épouses étaient de toutes les manifestations et leur aide souvent sollicitée. Elles faisaient partie intégrante du club et se dévouaient autant que les hommes mais sans avoir le statut de membre. Cette injustice a donc été réparée en 1998 me semble-t-il.
La seconde : le projet de création d’un deuxième club. Sous la pression des Gouverneurs successifs la création d’un deuxième club fut mise à l’ordre du jour. Malgré l’opposition manifestée par de nombreux membres un groupe de travail se forma de sa propre initiative et commença à contacter d’éventuels candidats pour ce second club. Les discussions furent rudes. Il a fallu organiser une assemblée générale pour éviter un éclatement du club. Là aussi la décision fut judicieuse car Châlons ne possède pas une population suffisante pour alimenter deux clubs. La mauvaise expérience du Lion’s l’a démontré.
Voila chers amis, les principaux événements qui ont jalonné mes cinquante années de présence au Rotary club de Châlons. Il a beaucoup évolué pendant cette période mais je dois dire en toute sincérité que jamais je ne me suis senti isolé ou en désaccord avec les décisions prises. Ma présence au club ne ma apporté que du plaisir. Plaisir à côtoyer de nombreux amis de métiers et d’horizons différents, plaisir à me sentir utile à la société dans laquelle nous vivons.
J’ai une pensée pour tous les anciens qui nous ont quittés et je vous remercie de l’amitié constante que vous me témoignez.